LANG).
En plein quartier latin, Jean-Louis BARRAULT a la véritable ambition de redonner à l'Odéon une nouvelle jeunesse et d'en faire aussi un grand centre de création artistique.
C'est dans ce contexte-la que je signais mon premier contrat dans la compagnie où je devais rester 3 saisons. Vous décrire l'état psychologique dans lequel j'étais transplanté tout à coup de petites et moyennes scènes à cet immense plateau de l'Odéon serait entreprise quasi mpossible.
Un monde s'ouvrait à moi, jeune comédien, qui autour de Madeleine RENAUD et Jean-Louis BARRAULT, voyait défiler de nombreux artistes en renom et de grand talent. Durant les 3 saisons que j'ai passé dans la compagnie, j'ai participé à une multitude de pièces, j'ai joué quelques rôles intéressants, mais surtout j'ai regardé, j'ai admiré tous les acteurs que je côtoyais. Il y avait bien sûr le noyau de base qui composait depuis longtemps la compagnie tels que Jean DESAILLY et Simone VALERE, Pierre BERTIN, J.P.GRANVAL, le fils de Madeleine RENAUD et quelques autres.Et puis, il y avait des comédiens merveilleux qui débutaient ou en étaient au début de leur carrière théâtrale tels que Sami FREY, Geneviève PAGE, Roger BLIN, ami de longue date de Barrault, Daniel IVERNEL et surtout des comédiens tels que Dominique PATUREL avec qui j'ai pu tisser un temps des liens d'amitié, J.P.BERNARD, et je ne vous cite que les plus connus car il y en avait tant d'autres qui étaient formidables. Tout ce monde créait une atmosphère bourdonnante de débats et bruissante d'amour du théâtre.
J'en viens à présent aux pièces représentées tout au long de ces années, tout au moins les principales:
LE SOULIER DE SATIN, superbe pièce de Paul CLAUDEL et que J.L.BARRAULT avait créé 20ans plus tôt en pleine occupation à la Comédie Française. La pièce est magnifique, un texte d'une pureté sans faille, des personnages romantiques et modernes en même temps, mais très longue déjà à l'époque-4 heures-, elle s'est encore allongée par la suite. Elle était jouée divinement par Geneviève PAGE qui donnait au personnage de Doña Prouhèze une pureté s'apparentant au diamant, Sami FREY qui avec sa voie un peu rocailleuse se débattait dans le personnage de Don Rodrigue avec une subtilité et une violence intérieure très personnelle, Jean Pierre BERNARD qui campait un Don Camille majestueux et impérial et Jean DESAILLY qui jouit l'ange qui tire les fils auquels est attachée Prouhèze. Il faudrait bien sûr citer P.BERTIN et tant d'autres mais nous n'en finirions plus. Vous résumer la pièce serait impossible.
Elle foisonne de tellement d'intrigues, d'allégories, de personnages ancrés sur terre et de personnages célestes, tels que les décrit P.CLAUDEL.
Quand on jouait la pièce matinée et soirée, c'était pratiquement du non-stop, mais quant à moi, je n'en perdais pas une miette. J'étais partout dans les coulisses, sur scène, dans le foyer des artistes et bien sûr j'arrivais très en avance dans les loges pour me préparer et sentir le théâtre. Voici ci-joint une photo d'une répétition représentant la descente de la vierge, J.L.BARRAULT nous indiquant au milieu le mouvement, document rare qui est significatif d'une époque du théâtre, époque d'avant 1968 où les courants théâtraux des années 50 et 60 de Jean VILAR et de J.L.BARRAULT étaient les héritiers directs de ce que l'on a appelé le cartel: BATY-DULLIN- JOUVET-PITOEFF, grande lignée théâtrale depuis le début du XXème siècle.
Avant de clore ce premier article sur ma période de l'Odeon, un mot sur une autre pièce dans laquelle j'étais et dont vous voyez quelques photos plus haut dans l'article. Il s'agit de COMME IL VOUS PLAIRA de SHAKESPEARE dans laquelle étaient distribués Dominique PATUREL, Simone VALERE, Jean DESAILLY et J.L.BARRAULT lui-même qui réglait la mise en scène. Pièce très légère et très drôle de SHAKESPEARE, une comédie très bien jouée et très agréable à jouer. Moments délicieux, trac juste ce qu'il faut, beaucoup de joie. Le théâtre, c'est aussi tout cela.
Je vais arrêter pour aujourd'hui mon long article. Pour ceux qui me liront, je veux simplement dire que je suis très touché de leur attention et de leur intérêt. Il est difficile de se raconter sans parfois ennuyer le lecteur qui est souvent étranger à ce qu'il lit, mais il ne faut jamais oublier, et j'essaie de ne l'oublier jamais que le seul fil conducteur est: LE THEATRE. Il faut dégager cette chose unique car tout revient à cela.
J'étais parti sur le moment présent avec LES BALADINS, et puis je me suis rendu compte que pour bien tenir, un batiment a besoin de bonnes fondations, c'est pourquoi je suis revenu aux sources. Vous savez, dans la vie, les choses et les évènements ne sont pas toujours écrits d'avance. On est ce que l'on est mais on est surtout ce que l'on devient; LE DEVENIR est pour moi plus important que L'AVENIR.
Vous retrouverez bientôt LES BALADINS avec ses joies et ses difficultés.
Bien à vous.
RICHARD.
Voici pour terminer mon Arlésienne 2 photos supplémentaires.
A bientôt pour d'autres aventures. Bien à vous.
RICHARD.
Bonjour chers amis, avant de progresser et de passer à un autre chapître très important également de ma carrière, je reviens l'espace d'un petit article sur L'ARLESIENNE qui a tenu, qui tient encore une grande place dans le Kaléidoscope de ma mémoire théâtrale.
Cette pièce admirable qui a été peu jouée parce que très chère, mérite qu'on s'y arrête car à mes yeux, elle nous offre un des plus purs joyaux de notre patrimoine artistique.
L'intrigue est simple et très dépouillée. Dans un mas provençal, dirigé par Rose-Mamaï, femme assez autoritaire, veuve et qui mène fermement tout le castelet, dans ce mas donc, on est en train de célébrer les épousailles, on dirait maintenant les fiancailles, de Frédéri le fils de Rose avec une jeune femme de la ville d'Arles que, comme chacun sait, l'on ne verra jamais.
Tout se passe très bien quand un maquignon de la camargue vient troubler la fête en annonçant qu'il est l'amant de cette femme et il jette pour le prouver un paquet de lettres, semant le désarroi dans la famille et le désespoir chez Frédéri.
Ne pouvant plus se lier à cette femme, il va se fiancer à Vivette, jeune fille très pure qui l'aime en secret. Le vieux berger Balthasar joue évidemment un rôle énorme dans cette histoire qui parait d'un autre temps et dont pourtant les sentiments sont éternels. Tout parait arangé quand le maquignon reparait pour reprendre ses lettres et Frédéri se trouve confronté à lui. Le drame ressurgit dans le cadre d'une fête provençale aux accents des fifres et des tambourinaïres.
On pressent la fin, et bien entendu, cela se termine comme beaucoup d'histoires d'amour par la mort de Frédéri.
Quelques mots sur le personnage de ROSE-MAMAÏ, femme autoritaire, qui mène le mas je dirais presque comme un homme mais il n'y a rien de masculin en elle; bien au contraire, c'est LE RÔLE que toute comédienne devrait souhaiter jouer un jour: tout est là: la femme dirigeante du mas, la mère famille blessée dans sa chair, la femme amoureuse qui essaie de convaincre Vivette de parler à Frédéri pour le guérir, etc... tout y est. Merveilleux rôle.
Il faut évidemment ajouter la merveilleuse musique de BIZET qui a si bien su restituer l'âme provençale ainsi que les choeurs qui apportent une dimension dramatique à cette histoire et renforcent le texte admirable de DAUDET.
Je n'ai jamais pu incarner Frédéri sans sans être parcourru de frissons et d'amour.
Que ce soit à l'extérieur comme en salle, je me souviens avoir attendu mon entrée en scène avec une émotion, un trac terrible et mystérieux qui me donnait la force intérieure pour dominer le combat d'amour et de mort qui se passait en moi.
Quoique j'ai pu jouer par la suite, Frédéri est resté longtemps avec moi, et j'ai rarement connu un rôle qui m'habite de cette façon.
Mais il faut continuer, poursuivre sa carrière, aller vers d'autres voies, d'autres destins, c'est une loi de notre métier. Si j'avais le bonheur et la possibilité de remonter L'ARLESIENNE, bien sûr je jouerais à présent le vieux berger Balthasar qui est aussi un rôle magnifique.
Continuons à rêver...et vous, rêvez avec moi, vous qui êtes comédien ou tout simplement qui aimez le théâtre pour ce qu'il vous apporte comme complément à l'existence, car le théâtre est illusion certes, mais il est surtout la vie sublimée par l'illusion.
On tourne la page mais avec le sentiment que l'on peut quand on le veut y revenir.
Bien des choses à vous.
RICHARD.
Mes amis bonjour, une fois mon contrat terminé à la comédie de provence, je ne revenais pas tout de suite à Paris. Je rentrais chez moi. Nous habitions à présent Montpellier et dans cette belle ville universitaire, je fus amené à rencontrer une troupe de théâtre qui s'appellait L'ARLEQUINADE mais qui très vite a pris le nom de COMEDIENS DU MIDI. La troupe était composé de comédiens professionnels et amateurs de très grande qualité et se produisait à Montpellier et dans tout le Languedoc.
J'ai été assez vite intégré dans la compagnie et les rôles que l'on me proposa m'enthousiasmèrent immédiatement. Le programme de la compagnie avait de quoi séduire. Elle était dirigée par André NADER, comédien professionnel et metteur en scène de grand talent avec lequel j'ai beaucoup appris en ce qui concerne la mise en scène. L'un des souvenirs le plus marquant reste le festival de MILLAU 1961 dans l'aveyron.
Le programme était composé d'une création: Un jeune homme en habit d'Armand LANOUX rebaptisé LE MIME RICHARD NE MIMERA PLUS. Un rôle que je n'ai joué qu'une fois mais quelle représentation!... Du genre de celles qui vous laissent un souvenir à vie. Un jeune artiste, subjugué par une femme qu'il a aimé quelques années auparavant mais plus agée que lui, la retrouve mais dans sa jeunesse faisant ressurgir l'amour perdu. Le voici donc qui tombe éperduement amoureux de la jeunesse de sa maitresse. Le tout monté en plein air et dans une mise en scène de rêve, par une nuit magique telle que l'on n'en trouve que dans le midi.
Grand souvenir de théâtre!...
L'autre pièce et l'autre rôle qui a marqué ma jeune carrière et qui continue de me poursuivre encore , à tel point que je voudrais la remonter maintenant mais faute de moyens... C'est L'ARLESIENNE.
L'Arlésienne est une pièce qui s'adapte très bien à une salle par la profondeur des sentiments et le texte admirable d'Alphonse DAUDET, mais qui passe aussi très bien en plein air par la dimension que peut donner le cadre dans lequel vous jouez ainsi que la musique de BIZET.
J'avais 23 ans, romantique, amoureux,et ce rôle qu'avant de présenter à Paris au théâtre des arts rue de rochechouart, j'ai pu jouer dans une vingtaine d'arènes et de lieux magiques de plein air du Languedoc, a marqué indubitablement ma jeune carrière de comédien.
Sensations inimaginables des représentations données en plein air notamment au festival de MILLAU où j'arrivais (ou plutôt Frédéri) au galop sur une charrette tirée par 2 chevaux et je bondissais sur scène pour atterrir dans les bras de ma mère Rose-Mamaï. Le vent, la nature se mêlait à la situation. A ce moment-là, vous vivez vraiment le personnage.
D'un autre côté en salle, quand on l'a repris à Paris, les sentiments passaient différemment et la musique, les choeurs étaient plus présents. Car l'Arlésienne est une pièce qui peut revenir cher mais l'oeuvre est tellement belle et le texte est tout ce qu'il y a de plus pur dans la langue française que rien qu'à l'écouter, le plaisir est total.
Voilà. Je reviendrai certainement sur l'Arlésienne. Je vous laisse pour aujourd'hui avec Frédéri, Vivette, Rose-Mamaï, Balthazar...et tous ces personnages magnifiques et éternels.
Bien à vous.
RICHARD.
Chers amis, je reviens le temps d'un article sur ces moments théâtraux de mes débuts à la Comédie de provence, dans cette magnifique région.
Pour compléter mon propos, je vous dirai que j'ai joué 2 pièces: ONDINE de Jean GIRAUDOUX , superbe pièce que l'on a joué en tournée l'hiver 1960. Très beau succès. Très belle distribution. 3 mois pratiquement de déplacements quasi quotidiens avec quelques retours à Aix. Première expérience théâtrale. je jouais le rôle de Bertram, amant imaginaire d'Ondine. Représentations très diverses, dans la prison centrale de Nimes par exemple, jouer une telle pièce devant des détenus, c'est difficile et même un peu angoissant; dans un sanatorium où nous y avons donné la dernière.
L'autre pièce , c'était LA MEGERE APPRIVOISEE de SHAKESPEARE dont nous avons fait la tournée de l'été 1960. Jouer en plein air est un moment magique. Le plein air, la nature, les décors naturels, quels qu'ils soient, apportent un plus incontestable au spectacle, d'autant que nous découvrions un lieu nouveau chaque jour. C'est aussi jouer dans des lieux-dits où l'on pense qu'il va ne venir personne et le soir il y 500 personnes. Tout le canton a répondu et ça c'est une aventure merveilleuse. Evidemment, l'inconnue surtout quotidienne, c'est le temps et surtout la pluie éventuelle, mais c'est quand même l'exception surtout en juillet et août dans le midi.
Dans mon prochain article, j'avancerai dans ma carrière pour vous vous parler d'une aventure théâtrale encore plus excitante et qui m'a enrichi (au sens figuré bien sûr) magnifiquement.
Bien à vous.
RICHARD.
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