Bonjour chers amis, avant de progresser et de passer à un autre chapître très important également de ma carrière, je reviens l'espace d'un petit article sur L'ARLESIENNE qui a tenu, qui tient encore une grande place dans le Kaléidoscope de ma mémoire théâtrale.
Cette pièce admirable qui a été peu jouée parce que très chère, mérite qu'on s'y arrête car à mes yeux, elle nous offre un des plus purs joyaux de notre patrimoine artistique.
L'intrigue est simple et très dépouillée. Dans un mas provençal, dirigé par Rose-Mamaï, femme assez autoritaire, veuve et qui mène fermement tout le castelet, dans ce mas donc, on est en train de célébrer les épousailles, on dirait maintenant les fiancailles, de Frédéri le fils de Rose avec une jeune femme de la ville d'Arles que, comme chacun sait, l'on ne verra jamais.
Tout se passe très bien quand un maquignon de la camargue vient troubler la fête en annonçant qu'il est l'amant de cette femme et il jette pour le prouver un paquet de lettres, semant le désarroi dans la famille et le désespoir chez Frédéri.
Ne pouvant plus se lier à cette femme, il va se fiancer à Vivette, jeune fille très pure qui l'aime en secret. Le vieux berger Balthasar joue évidemment un rôle énorme dans cette histoire qui parait d'un autre temps et dont pourtant les sentiments sont éternels. Tout parait arangé quand le maquignon reparait pour reprendre ses lettres et Frédéri se trouve confronté à lui. Le drame ressurgit dans le cadre d'une fête provençale aux accents des fifres et des tambourinaïres.
On pressent la fin, et bien entendu, cela se termine comme beaucoup d'histoires d'amour par la mort de Frédéri.
Quelques mots sur le personnage de ROSE-MAMAÏ, femme autoritaire, qui mène le mas je dirais presque comme un homme mais il n'y a rien de masculin en elle; bien au contraire, c'est LE RÔLE que toute comédienne devrait souhaiter jouer un jour: tout est là: la femme dirigeante du mas, la mère famille blessée dans sa chair, la femme amoureuse qui essaie de convaincre Vivette de parler à Frédéri pour le guérir, etc... tout y est. Merveilleux rôle.
Il faut évidemment ajouter la merveilleuse musique de BIZET qui a si bien su restituer l'âme provençale ainsi que les choeurs qui apportent une dimension dramatique à cette histoire et renforcent le texte admirable de DAUDET.
Je n'ai jamais pu incarner Frédéri sans sans être parcourru de frissons et d'amour.
Que ce soit à l'extérieur comme en salle, je me souviens avoir attendu mon entrée en scène avec une émotion, un trac terrible et mystérieux qui me donnait la force intérieure pour dominer le combat d'amour et de mort qui se passait en moi.
Quoique j'ai pu jouer par la suite, Frédéri est resté longtemps avec moi, et j'ai rarement connu un rôle qui m'habite de cette façon.
Mais il faut continuer, poursuivre sa carrière, aller vers d'autres voies, d'autres destins, c'est une loi de notre métier. Si j'avais le bonheur et la possibilité de remonter L'ARLESIENNE, bien sûr je jouerais à présent le vieux berger Balthasar qui est aussi un rôle magnifique.
Continuons à rêver...et vous, rêvez avec moi, vous qui êtes comédien ou tout simplement qui aimez le théâtre pour ce qu'il vous apporte comme complément à l'existence, car le théâtre est illusion certes, mais il est surtout la vie sublimée par l'illusion.
On tourne la page mais avec le sentiment que l'on peut quand on le veut y revenir.
Bien des choses à vous.
RICHARD.